4 Novembre 2019
Samedi 10 juin 1944, 4 jours après le débarquement de Normandie, le paisible village d'Oradour-sur-Glane dans le Limousin vient de finir de manger. Il est 14h, l'heure de la sieste pour les uns, de reprise de travail dans les champs pour les autres. Soudain, le village est envahi et cerné par une vaste colonne de soldats allemands. Celle de la terrible Waffen SS Das Reich qui arrive de Montauban.
La suite est inqualifiable tant l'horreur est partout.
C'est ce que je vous propose de découvrir grâce à notre vidéo de la visite sur place en compagnie de Philippe Lacroix, maire d'Oradour dont une partie de sa famille pérît ce jour-là.
Je préfère mettre un avertissement. Les images et le textes qui suivent sont durs. Ils relatent des faits atroces et certaines personnes pourraient être choquées par certaines images.
Voici la vidéo à regarder absolument :
19 février 2019.
Au matin de mon anniversaire. Je viens de me réveiller, serein en ce jour qui se veut plutôt gai.
Comme à l’accoutumé, j’allume mon poste de télévision pour regarder les dernières informations.
L’image est confuse. Je vois un grand groupe de personnes entourer une jeune femme, c’est la cohue.
Soudain, ils se mettent à l’insulter : « Sale juive, sale p****… ».
Je ne sais pas qui est cette femme. Cela m’est complètement égal.
Pour moi, qui qu'elle soit, quoi qu'elle ai fait, on ne doit plus jamais traiter personne de sale juif, de sale arabe ou de sale PD !!
Je ne sais pas pourquoi mais cette image me bouleverse. J'explose en sanglot.
Comment en 2019 peut-on encore traiter les gens de la sorte ?
Comment peut-on encore qualifier les gens selon leur religion ?
Personne ne se souvient où cela a mené de traiter les gens de juif ??
Personne ne se souvient des horreurs d’il y a 75 ans menées par les extrémistes contre les juifs, les communistes, les homosexuels ???
Depuis la création du blog, je me dis que je dois faire quelque chose pour le devoir de mémoire.
L'occasion m'est donnée grâce à Romain Guierre, un ami de Castelnau-de-Lévis.
Il s'est lié d'amitié avec le maire d'Oradour-sur-Glane et me propose de me mettre en contact avec lui pour voir si nous pourrions faire un reportage au village martyr.
Ce fut très vite et très facilement fait. Et nous voici Justin et moi partis en ce 14 juillet, date on ne peut plus symbolique, rejoindre Romain et Monsieur le Maire à Oradour.
Il fait très chaud en ce samedi 14 juillet, comme le samedi 10 juin 1944.
Philippe Lacroix est un maire dynamique et très sympathique. Dès qu'il parle de sa ville, il vibre et nous emporte dans ses récits qu'il nous fait vivre avec passion. Nous décidons d'aller directement filmer dans l'ancien Oradour et pas l'actuel qui a été entièrement reconstruit dans les années 50.
Mon cœur s’accélère de plus en plus...
Il y a quelques années, j'avais essayer de visiter le site mais cela avait été au delà de mes forces. Impossible pour moi à l'époque de franchir le portail...
Là je suis accompagné et la voix de Philippe Lacroix retient mon attention.
Monsieur le Maire commence sa visite devant la maison, enfin ce qu'il en reste du seul témoin encore vivant, celle de Monsieur Robert Hébras. Il est bien trop âgé pour venir nous rencontrer par ce temps caniculaire.
Robert Hébras se souvient et raconte que sa mère vient de finir de faire la vaisselle quand les soldats allemands arrivent. Sa mère lui demande d'aller vite se cacher. Mais lui, venu de Limoges passer le week-end, pense qu'il n'a rien à craindre. Ses papiers sont en règle.
A l'extérieur, il croise son ami Martial Brissaud qui lui décide au contraire d'aller se dissimuler. Croisant le Maire, qui demande où il va, Martial lui dit qu'il va se cacher. Ce à quoi le maire lui répond "alors tu viendras demain nous dire où était ta cachette"...
Les vestiges de la maison de la famille Hébras rue Principale à Oradour
Les soldats allemands continuent d'affluer.
Personne ne le sait, mais ils sont déjà en train d'encercler discrètement le village et les principales rues.
Durant quelques heures, ils laissent entrer et sortir les personnes d'Oradour, tout comme le tramway venant de Limoges.
Puis, ils entrent dans chacune des maisons et forcent les gens à en sortir pour les rassembler sur une des places du bourg. Les plus impotents et les infirmes sont eux aussi contraints de se joindre aux autres habitants.
On voit donc des vieillards et des femmes âgées en peignoir être soutenus par des personnes valides de leur famille ou par des voisins.
Les femmes, les enfants, que les allemands ont été chercher dans les écoles, et les hommes sont alors séparés. Chacun tournant le dos aux autres. Système utilisé de nombreuses fois en de trop nombreux endroits durant la guerre.
Sur la place, de nos jours, les vestiges d'une automobile intriguent.
Certains racontent qu'il s'agit de la voiture du Maire.
Il n'en est rien.
Le Docteur Desourteaux, est bien arrivé en voiture de sa tournée au moment du rassemblement sur la place. Mais il a été se garer et est venu rejoindre les habitants. Les Officier SS lui demanderont alors de désigner des otages. Après concertation à l'hôtel de ville, le Maire se désignera lui et sa famille. Personne ne survivra.
La population commence à s'inquiéter. Un officier allemand dit alors que des gens cachent des armes et qu'ils vont donc fouiller les maisons. Les personnes qui n'auront rien à se reprocher seront relâchées.
Les gens se détendent alors un petit peu...
Le pâtissier Monsieur Compain s'inquiète alors de ses gâteaux dans le four. Un soldat allemand lui répond alors en français: "ne vous inquiétez-pas, on va s'en occuper tout à l'heure".
La pâtisserie Compain et la boulangerie Bouchoule et son four
Après de longues heures, les allemands décident de séparer (définitivement) les hommes des femmes et des enfants.
Les hommes sont alors dirigés vers la forge Beaulieu tandis que les femmes et les enfants sont emmenés à l'église.
Bravant l'interdiction de se retourner, Robert Hébras voit alors sa mère et ses deux sœurs se retourner elles aussi dans sa direction, inquiètes. Il ne les reverra jamais.
J'ai mal à la poitrine... Je respire doucement pour essayer de me calmer...
Philippe Lacroix me propose de nous diriger vers l'église, là où les plus grandes atrocités ont été commises.
Nous marchons alors, lui et moi dans ses rues détruites où on perçoit encore la vie telle qu'elle a pu être. Devantures de magasins, de garages, de cafés avec leurs terrasses sont encore bien visibles.
Les vestiges de la vie quotidienne à Oradour-sur-Glane
Nous gravissons les quelques marches du parvis et nous pénétrons dans les vestiges de l'église saint-Martin d'Oradour.
Il n'y a plus de toiture, elle s'est effondrée, calcinée, par les flammes du brasier allumé par les soldats.
L'émotion est très forte.
Nous nous mettons à l'ombre d'une chapelle du bas-côté et Monsieur Lacroix raconte.
Tout ce qui s'est passé dans ce lieu saint est su depuis le témoignage de l'unique rescapée de ce charnier, Madame Marguerite Rouffanche, décédée à 90 ans en 1988.
Les vestiges de l'ancienne église paroissiale saint Martin à Oradour-sur-Glane et Madame Marguerite Rouffanche unique rescapée du massacre dans l'église.
Plus de 450 femmes et enfants furent donc enfermés dans l'église qu'il faut imaginer avec tout son mobilier, aujourd’hui disparu.
Les soldats ont déposé près de l'entrée au bas de la nef, une caisse d'où sortent des mèches. Ils allumèrent les mèches et sortirent en fermant la porte à clé. Beaucoup de fumée et une très forte chaleur émanèrent de cette caisse.
Les soldats entendirent les cris et les personnes suffoquer.
La chaleur était telle, qu'elle fit exploser les vitraux.
Alors entendant cela, les soldats revinrent et se mirent à tirer sur tous et partout dans l'édifice puis ils mirent le feu à l'église.
Madame Rouffanche se trouvait dans le chœur près de l'autel au-dessus duquel, les vitraux avaient eux aussi explosés. N'écoutant que son instinct de survie, elle se hissa, passa à travers la verrière brisée et se laissa tomber à l'extérieur de l'église.
Elle fut immédiatement suivie par une femme et son bébé qui se mit à hurler. Les soldats leur tirèrent dessus. La mère et son nourrisson furent abattus et Madame Rouffanche grièvement blessée. Elle se fit alors passer pour morte et dès qu'elle le put, elle alla se cacher dans un potager tout proche où on la retrouva trois jours plus tard.
A l'intérieur, un seul corps put être identifié. Celui d'un petit garçon qui avait gardé dans sa poche le canif que son père lui avait réparé la veille.
La foule nous entoure et écoute avec calme et respect, le récit de Monsieur le Maire.
Je ne regarde plus personne, je tente de rester digne et de continuer le tournage, mais je ne peux retenir les larmes qui coulent doucement le long de mes joues...
J'essaie de poser une dernière question à Monsieur Lacroix, ma voix est étouffée par un sanglot que j'ai du mal à contenir: "-Mais il y a eu d'autres lieux ? -Oui me répond Philippe, la veille la division Das Reich était à Tulle où entre-autre elle a pendu 99 personnes..."
J'ai de plus en plus de mal à me retenir... dans ma tête raisonne "pourquoi, mais pourquoi ? "
Dans cette église furent massacrés 245 femmes et 207 enfants
Le maire se tait, Justin coupe la caméra, il était temps, j'explose en sanglots.
A l'intérieur de l'église d'Oradour-sur-Glane où les nombreux vestiges comme la cloche et les croix fondues parlent d'eux-mêmes.
A la sortie de l'église, le Maire me dit qu'Oradour était une ville moderne pour son temps. Beaucoup de commerces, l'électricité et le tramway qui continua à fonctionner quelques temps après le massacre. Beaucoup d'habitants de Limoges et des alentours venaient le week-end à Oradour. C'est pour cela que le 10 juin 44, parmi les martyrs, certains n'étaient pas du bourg mais étaient venus au restaurant, chez le coiffeur ou voir de la famille.
Derrière nous, le chêne planté en 1848, l'Arbre de la Liberté, porte encore les clous, vestiges des affiches que l'on pointait sur son tronc séculaire.
La ville d'Oradour-sur-Glane avant et le tronc de l'Arbre de la Liberté où on peut y voir encore aujourd'hui les clous des anciennes affiches.
Dernière halte dans le village. Celle de la grange Laudy.
Là, comme dans d'autres granges du village furent rassemblés entre trente et soixante-dix hommes dont Robert Hébras.
Après leur avoir tiré dessus, où beaucoup périrent, ils mirent le feu à la grange. Les quelques survivants faisant les morts tandis que les soldats achevaient un à un tous les survivants qui gémissaient, parvinrent à s'enfuir en dé-scellant quelques briques des clapiers attenants et en se réfugiant derrière.
Ainsi, 6 en réchapperont quasi miraculeusement, Robert Hébras bien-sûr, mais aussi Jean-Marcel Darthout, Yvon Roby, Mathieu Borie, Clément Broussaudier et Pierre-Henri Poutaraud qui sera malheureusement tué quelques mètres plus loin.
Les vestiges de la grande Laudy
Nous terminons ce chemin de mémoire au cimetière, devant le Tombeau des Martyrs érigé par l'Association des Familles des Martyrs d'Oradour-sur-Glane.
C'est ici que sont rassemblées les cendres recueillies dans le village, la liste des victimes ainsi que les plaques du Souvenir posées par les famille.
Chaque année, le 10 juin, on s'y rassemble, ont lieux les dépôts de gerbes et l'on s'y recueille. Jamais de discours n'y est prononcé, pas de chants hormis la Marseillaise, pas de musique non plus sauf la Sonnerie aux Morts.
Je ne sais plus que penser, ma tête est vide, j'ai envie de toucher, même si je n'y suis pour rien, de demander pardon et surtout, j'aimerai comprendre.
Le Mémorial, Tombeau des Martyrs d'Oradour-sur-Glane où reposent les cendres recueillies dans le village.
Ma dernière image instantanée qui clôture ce reportage, est l'église saint-Martin où périrent tant de femmes et d'enfants.
Ce fut pour moi une rude épreuve que de vivre ce chemin de la mémoire parmi les ruines de ce village assassiné. Mais je suis fier de l'avoir fait et d'apporter aujourd'hui ma pierre pour lutter contre les extrêmes quels qu'ils soient, l’antisémitisme, le racisme, l'homophobie...
Il faut comprendre que la liberté de parole ne permet en aucun cas de transformer en insulte haineuse, la religion, l'origine ou l'orientation sexuelle. Devant les atrocités de la Grande Guerre, 14-18, on s'était exclamé alors "plus jamais ça !".
Comment peut-on avoir la mémoire si courte? Comment peut-on sous prétexte de la liberté d’expression, de postures politique ou religieuse faire revivre et entretenir cette haine de l'autre ?
Avons-nous oublié que:
Je tiens à remercier du fond du cœur Romain Guierre, pour son amitié qui m'est chère et pour m'avoir présenté un autre grand monsieur, Philippe Lacroix.
Je sais que vous vous battez vous aussi pour ces mêmes valeurs.
Merci beaucoup pour ce moment qui, parce que dur à vivre en pleine conscience, encore aujourd'hui où j'écris ces lignes me blessent et me donnent encore plus envie de me battre contre l'intolérance.
Il nous lie désormais à jamais.
On ne peut sortir indemne de ce "pèlerinage" à Oradour-sur-Glane mais c'est un devoir de mémoire qui nous incombe à tous.
Même si c'est éprouvant, il faut aller sur place pour vivre et faire sienne cette visite pour eux qui ne sont plus, pour nous qui ne devons pas oublier, pour que la liberté de ceux de demain ne soit jamais menacée.
Centre de la mémoire d'Oradour
Entre le 7 avril et la mi-juillet 1994, environ un million de personnes sont mortes assassinées au Rwanda : en moins de trois mois, les trois quarts de la population tutsi ont péri au cours du ...
Site Officiel de la Mairie d'Oradour sur Glane
Oradour sur Glane qui autrefois était un bourg paisible et dynamique avec son tramway et ses nombreux commerces va connaître l'horreur le 10 juin 1944. En début d'après-midi, vers 14h00, près ...
Vidéo et photos (sauf mention contraire) : Justin BONNET
Pour s'abonner à la page Facebook du blog et nous suivre en cliquant sur:
https://www.facebook.com/blogdedansdehors/
à ma page Instagram en cliquant sur:
Passionné par le patrimoine, l'Histoire et surtout les personnes qui en font parti, mon grand plaisir c'est découvrir encore et encore et partager mes découvertes....
Voir le profil de Christian Riviere sur le portail Overblog