12 Octobre 2020
Saviez-vous qu'en plus de la cathédrale d'Albi, une autre église était protégée par l'UNESCO ? Il s'agit de l'ancienne collégiale médiévale Notre-Dame du Bourg, elle aussi entièrement recouverte de peintures éclatantes remarquables. Vous n'y êtes jamais allé ? Cela tombe bien, le Père Sébastien Diancoff, son curé, nous invite à le suivre, il sera notre guide privilégié pour la découvrir et percer quelques petits secrets.
Alors, on y va ?
Pour commencer, mon reportage vidéo dont je suis fier avec de très belles images de drones destinées à la sublime émission "Des racines & Des Ailes" réalisées par Stéphane Médina d'infinitygraphic studio's :
Samedi 18 juillet, très tard dans la nuit.
Je ne dors pas encore et consulte sur mon portable les derniers messages que j'ai reçu sur les réseaux sociaux quand un nouveau message fait vibrer mon téléphone. Il est tard mais je suis curieux de savoir quel est l'autre noctambule qui peut bien m'écrire à cette heure-là.
Je suis très agréablement surpris
Un message très sympathique vient à l'instant de m'être adressé par le Père Sébastien Diancoff, curé de la paroisse Saint Vincent de Paul, qui me fait l'éloge de la très belle église Notre-Dame du Bourg dont dépend sa paroisse. Il a découvert mes reportages, qui lui ont plu, et me dit qu'il aimerait beaucoup que je puisse faire un jour un reportage sur cette halte du chemin de Saint Jacques de Compostelle remarquée par l'UNESCO.
Qu'à cela ne tienne ! Je lui répond illico. Sa démarche me touche beaucoup.
Après plusieurs échanges, nous voilà Justin et moi à Rabastens par une chaude journée d'été aoûtienne. Je suis super content de le rencontrer et de pouvoir l'avoir comme guide.
On fixe les micros, on ajuste la caméra, et c'est parti pour une super visite.
Nous sommes le Père Sébastien et moi sur le parvis, au pied de cet immense mur de briques. Ce grand mur donne presque le vertige.
C'est l'endroit idéal pour me conter en quelques mots, la naissance d'un prieuré dépendant de la puissante abbaye bénédictine de Moissac au 11ème siècle
Le premier prieuré aurait en effet été fondé entre les années 1048 et 1072 sur le site de Saint Amans proche de la rivière et du bourg de Rabastens.
Deux cent ans plus tard, l'abbaye de Moissac décide de reconstruire son prieuré au centre de Rabastens dans le nouveau quartier du Bourg Méja (bourg moyen). Les nouveaux bâtiments monastiques auront un cloître, un logis avec réfectoire, salles et dortoirs ainsi que différentes remises et celliers et bien entendu une église.
Aujourd'hui, tout a pratiquement disparu. Toutefois, on voit très bien les bâtiments abbatiaux et ce qui fut une partie du cloître qui abritent désormais les bureaux de la mairie de Rabastens.
Mais revenons devant l'entrée de l'église. Du premier monastère roman, ramené sur le nouveau site pour la nouvelle église, le portail en est le plus beau vestige. 8 colonnes avec leur chapiteaux sculptés et historiés, c'est à dire qui racontent une histoire.
Ceux de Rabastens enseignent des passages de la vie du Christ de son enfance jusqu'à la tentation du diable dans le désert.
Mais il est temps d'entrer dans l'édifice.
Nous poussons les portes de l'église et quittons la pleine lumière très chaude de l'après-midi pour la presque obscurité de l'ancienne collégiale.
Dès le seuil, on est subjugué par la beauté du décor intérieur.
Comme je le dis, je suis espanté ! C'est sublime et même sublimissime !!
Elle peut rivaliser avec la cathédrale d'Albi en terme de surface peinte !!
Ces peinture ont en plus une histoire.
Mais pour mieux les voir, le Père Sébastien nous invite à le suivre. Une petite porte dérobée sur le côté mène aux orgues. Elle est bien entendu fermée au public et le Père, qui en a la clé, l'ouvre pour nous. Nous le suivons dans l'escalier en colimaçon et nous voici sur les tribunes de l'orgue.
Au dessus de nos têtes et de l'orgue, un superbe Pantocrator, c'est à dire un Christ en gloire, assis sur son trône.
C'est dommage que peu de gens doivent le voir...
Les peintures datées de la fin du 13ème sont très vives, et pourtant durant de très longues années les paroissiens ne pouvaient plus les voir.
En effet, durant les Guerres de Religions (1562-1598), les soldats protestants occupent l'église après avoir détruit une partie de la toiture, le mobilier qui s'y trouvait et les statues.
Quand les catholiques reprirent possession de l'église, les restaurations débutent et on décide de badigeonner de blanc toutes les peintures sur les murs et les voûtes.
Cela sera refait plusieurs fois au 17ème et 18ème siècle.
Pour info, le clocher sert également de tour de guet durant de nombreuses années et en 1607, on découvre que les soldats brûlent voliges et poutres de la toiture. De nombreuses infiltrations apparaissent et abiment toit et murs.
Plus de deux cent ans plus tard, l'édifice est de plus en plus abimé et vers 1858, on décide en plus des restaurations importantes à effectuer, de mettre des vitraux aux fenêtres.
On souhaite aussi repeindre l'église mais cette fois, avec des couleurs et par de vrais peintres décorateurs. Après un concours, le projet de Joseph Engalière qui a prévu de peindre le chœur avec "les voûtes avec des étoiles d'or sur fond bleu, du triforium, des arcs doubleaux des chapelles, des colonnes, des tentures de pourtour des chapelles et des coupes de pierres des chapelles" est retenu.
Mais avec le salpêtre, les enduits s'écaillent et tombent.
Stupéfaits, les peintres découvrent sous les couches successives de peintures blanches, les peintures médiévales.
Dès le 15 février 1859, on commence à gratter. Il est alors décidé au lieu de peindre un nouveau décors, de restaurer les peintures originelles et quand elles ne le peuvent pas, d'être refaites à l'identique.
Un certain Joseph Rivière est alors curé des lieux…
J'aime bien ce genre de petit clin d'œil...
Bon allez, maintenant qu'un parent a permis la réfection des peintures de l'église, on peut bien les détailler un peu.. (je plaisante, je ne sais pas du tout si nous avons un lien de parenté lui et moi) .
Ce qui est marquant ce sont les multi représentations des même scènes :
Il y a 3 Pantocrators :
Idem pour les scènes de l'Annonciation, le moment où l'ange Gabriel annonce à Marie qu'elle sera mère.
Le Père en compte pas moins de 4
Nous nous dirigeons dans le chœur justement.
Tout est à vous faire tourner la tête...
Avant tout on y voit une sublime et gracile statue de la Vierge.
Il s'agit là d'une Assomption, le moment où la Vierge monte corps et âme vers le ciel après sa mort.
La superbe statue est dû au sculpteur toulousain Antoine-Joseph SALOMON qui a assuré la commande faite par la paroisse à la manufacture toulousaine très courue des frères Virebent.
La statue en grès est très largement inspirée par celle de la cathédrale de Chartres.
On l'installe en juillet 1843 et elle est aussitôt bénie, le dimanche 6 août.
Un des éléments les plus troublants dans la décoration de l'église est la constellation de swastikas.
De nos jours, avec le poids de l'Histoire Moderne, les gens les prennent pour des croix gammées nazies.
C'est en fait un très ancien symbole que l'on retrouve dans beaucoup de cultures un peu partout dans le monde, en Inde, en Chine, en Orient, en Afrique, en Amérique latine chez les Mayas...
Selon le pays, il aura différentes significations pratiquement toujours sacrées: représentation du Dieu Ganesh, symbole d'éternité, cœur de Bouddha...
Que ce soit sur une tombe de la basilique Saint Ambroise à Milan, sur une mosaïque du sol de la cathédrale Notre-Dame d'Amiens, dans la cathédrale de Winchester sur une tombe épiscopale du 14ème siècle ou une peinture flamande de Rogier Van der Weyden du 15ème siècle, chez les catholiques, la swastika représente la vie, la victoire du Christ, lumière du monde sur la mort ou comme on peut le penser pour Rabastens, un signe de vie donné par Marie, étoile dans le ciel.
Mais j'avoue avoir été un peu perturbé moi aussi lors de ma toute première visite il y a très longtemps. Cela m'avait valu de faire alors quelques recherches pour en comprendre le sens.
Au dessus de nos tête, dans le décor foisonnant de toutes ces peintures, la clé de voute est un élément marquant pour l'église.
Elle fut bénie par Monseigneur Bérenger de Landorre, archevêque de Saint Jacques de Compostelle et légat du Pape Jean XXII, le 29 juin 1318, ce qui donna lieu à une re consécration de l'église.
Comme sait-on le jour et la date et par qui, alors que les archives ne sont plus là ?
Le Comte Raymond de Toulouse-Lautrec qui avait son hôtel particulier tout proche vint faire de nombreux relevés au moment de la découverte des peintures médiévales au 19ème siècle.
Il retranscrit fidèlement l'inscription:
B.DALERN.PAUSEC.AQUESTA.CLAUXANO.DOMINI.M.CCC.X.VIII.LE.ARCHIAVESQUE.DE.SANT.JACME.SENHEC.AQUESTA.CLAU. LE.JOR.DE.SANT.PEIRE
Ce texte écrit en occitan dont il manque quelques lettres sur l'original dit à peut prêt ceci en français :
B. Dalern posa cette clé, l'an du Seigneur 1318, l'Archevêque de Jacme bénit cette clé le jour de la Saint Pierre.
Je trouve ça génial d'abord que le texte soit en occitan mais qu'il soit parvenu jusqu'à nous !!!
Sinon, il semble même y avoir eu une troisième consécration de l'église en 1544
Raymond de Toulouse-Lautrec, relevé de l'inscription de l'arc doubleau du chœur - Collection particulière- Extrait de l'ouvrage "Les grandes heures de Notre-Dame du Bourg de Rabastens" de Pierre Funk édité par la Mairie de Rabastens
Le moment est venu de nous élever !
Le Père Diancoff, nous propose d'aller justement au plus près des voûtes, autre partie interdite au public.
Passant par la sacristie, nous sortons dans une petite cour intérieure et par un autre escalier à vis construit dans une tourette, nous parvenons dans les combles de l'église.
Les combles ont été récemment restaurées.
Ce qui est très surprenant, c'est qu'on peut voir certaines constructions plus tardives envelopper celles plus anciennes. Pour exemple, ce vitrail qui donne dans les combles pour la partie supérieure, et dans le mur de la sacristie, qui fut un temps une chapelle également.
Puis, par une petite porte, nous accédons à l'étroit passage du triforium.
Un triforium du latin transforare, percer à jour, est justement un étroit passage aménagé derrière les murs en hauteur dans une église ou une cathédrale.
C'est très rare dans le Tarn.
De là, la vue est splendide !
C'est fascinant de voir toute l'église vue depuis le triforium entre deux chapiteaux.
Je suis espanté !!
Là aussi, je ne sais que regarder, que scruter...
Les chapiteaux qui me semblent romans sont superbes.
Il y en a 42 et sont dans un état de conservation fantastique.
Il faudrait des heures pour les étudier un à un
Le Père Sébastien me fait alors remarquer que si on regarde bien les peintures face à nous, celles qui représentent le Christ en Gloire et le tétramorphe, le symbole des "4 êtres vivants" des écritures et des 4 évangélistes, on s'aperçoit que leurs auréoles ou leurs plein-nimbes sont en relief.
En effet, l'halo doré autour des têtes est striée et creusé un rayon sur deux. C'est fou que d'avoir pensé à faire de la 3D à cette époque !!
Enfin Saint-Marc dont l'évangile commence dans le désert est symbolisé par un lion, roi du désert de Juda
Sur la voûte, d'autres saints (que j'identifie comme Saint Louis et Saint Jean Baptiste) ont eux aussi des nimbes en 3D
Il est temps pour nous de redescendre, après avoir fait d'innombrables photos.
Il nous faut quand même parler de l'autre Saint Patron de l'église, Saint Jacques.
Il est lui aussi représenté plusieurs fois dans la décor peint de la collégiale.
Une chapelle lui est consacrée. Elle a beaucoup souffert des outrages du temps en perdant entre-autre son mobilier d'origine, mais les peintures médiévales sont superbes.
Elle aussi racontent plusieurs histoires, des épisodes liés à la vie de Jacques le Majeur dont la transport dans une barque de son corps depuis Jérusalem, où il fut décapité, vers l'Espagne où il était venu tenter d'évangéliser les peuples ibères, et où il sera enterré durant la nuit dans un champ sous un ciel d'étoiles, un campos stellas.
Une niche vide devait contenir une grande statue qui devait abriter des reliques du saint qu'aurait pu donner l'archevêque de Compostelle Mgr Bérenger de Landorre lorsqu'il est venu consacrer le chœur en 1318
Il y aurait tant à dire sur cette fabuleuse église repérée par l'UNESCO.
Seulement 71 monuments remarquables en France, dont Notre-Dame du Bourg à Rabastens sont inscrits au Patrimoine Mondial de l'Humanité dans le cadre des Chemins vers Saint Jacques de Compostelle depuis 1998
La mairie de Rabastens a entrepris de grands travaux de restaurations nécessaires pour préserver ce sublime édifice dont le département peut s'enorgueillir. Ils seront réalisés en plusieurs tranches.
Un autre plus dont parle le Père Diancoff, la superbe émission de télévision "Des Racines & Des Ailes" parlera de Notre-Dame du Bourg dans un reportage consacré en grande partie au Tarn qui devrait être diffusé en novembre 2020.
J'étais là un des jours de tournage pour mon plus grand plaisir.
L'occasion pour moi d'admirer une fois encore ce bel édifice qui grâce à tous ces nombreux chefs-d'œuvre d'Art Sacré, fait partie des monuments remarquables du Tarn.
Il y aurait tant à dire, à décrire sur cette belle église...
Je ne peux que vous conseiller de vous rendre sur place pour la découvrir par vous même, l'église est ouverte tous les jours, ou de lire de très beaux ouvrages comme celui édité par la Mairie et le Musée du Pays Rabastinois qui à mes yeux fait référence:
"Les grandes heures de Notre-Dame du Bourg de Rabastens" dont voici le lien https://www.chemins-compostelle.com/mediatheque
J'ai eu en plus la chance de faire connaissance avec son auteur, Pierre Funk, jeune chercheur très dynamique et secrétaire des amis du Musée du Pays Rabastinois qui avait organisé avec Guy AHLSELL DE TOULZA, Conservateur du Musée et avec le soutien des élus, une superbe exposition pour les 700 ans de la bénédiction du Chœur.
J'ai adoré chaque instant passé à la découverte de cette église, de son histoire, de ses secrets. J'espère vous avoir donné envie d'aller la visiter et d'en savoir plus. Ca en vaut tellement la peine...
J'ai tellement été touché par toutes celles et ceux qui sont venus vers moi pour que je parle de ce trésor tarnais...
C'est tellement beau et rassurant de savoir que de plus en plus de personnes font vivre, sauvegardent et partagent toute cette richesse inestimable de nos contrées.
Merci beaucoup Père Sébastien, d'être venu vers moi via les nouvelles technologies un soir d'été. Merci beaucoup pour m'avoir raconté avec votre cœur cette belle église, merci beaucoup pour m'avoir ouvert toutes ces portes fermées au public dans l'esprit que je puisse le partager à mon tour au plus grand nombre.
Voilà qui est fait, j'ai moi aussi mis tout mon cœur dans mon documentaire vidéo et dans ce reportage, me faisant ainsi le relais de votre passion pour ce patrimoine fabuleux mais un peu oublié.
Vous m'avez ouvert votre porte, mon Père, je vous ouvre celle de mon blog et des fabuleuses personnes qui me suivent et qui à leur tour vont, elles aussi, ouvrir d'autres portes en partageant ces reportages, formidable chaine humaine qui me rend si heureux.
Vidéo et photos (sauf mentions contraires) : Justin BONNET
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